Sabai dee!!
Après l'Inde et tout ce qu'elle a provoqué en moi comme émotions, découvertes, révélations, j'avais peur que tout me paraisse un peu fade en comparaison, et j'avais du mal à cesser de comparer et à tourner la page sur cette passion.. Jusqu'à ma rencontre avec le Laos. Pays aussi doux que l'Inde est dure, peuple aussi paisible que les indiens semblent survoltés. 
En traversant la frontière Mekong en canoé depuis la Thailande, au Nord, la plupart des touristes partent pour deux jours sur le fleuve. Nous partons donc pour le Nord, vers les petits villages de montagne. Nous, car cette fois j'ai la chance d'être avec mon cher frêre et la drole et génereuse Elodie. Et bien sur, nous n'avons pas envie de faire comme tout le monde.
Clement il y a quelques années dans un trip en Australie a vécu dans une voiture pendant 3 jours et 3 nuits parce qu'il était bloqué par la pluie, et s'est lancé complètement à l'impro dans un trek d'une semaine sur les sommets de Tanzanie sans rien dans le sac, donc je n'étais pas très inquiète, j'étais sure qu'on aurait la même façon de voyager. Je n'ai pas été déçue, et si il y a une personne avec qui je repars sans hésitation et avec immense plaisir, ce sera bien avec toi, mon petit frêre, je ne suis pas sure que grand monde nous suivrait dans nos explorations de spéléo amateurs à quatre pattes plusieurs mètres sous terre de toutes façons :)
A peine le fleuve traversé, tout semble same same but different comme ils disent ici. On roule plusieurs heures pour atteindre Muang La, notre première escale. Pendant des kilomètres on ne croise personne. Puis finalement, de temps en temps, un village, enfin, quelques maisons en bord de route, habitations encore traditionnelles en bambou et palmier. Quelques enfants et personnes agées, à cette heure là, les hommes sont probablement dans les champs, les femmes parties ramasser du bois. Très vite, je me sens ici comme en Mongolie, de grands espaces verts encore préservés, et des familles vivant quasimment en auto suffisance avec leurs récoltes ou leurs animaux.
Nous passons quelques jours dans ces petits villages paisibles au bord de la Nam Ou, cette rivière qui se jette dans le Mekong 
et qui tient une part importante dans la vie des habitants. Ils s'en servent pour se déplacer, en pirogue, d'un village à l'autre, vont s'y laver, y pêchent leur prochain repas: poisson, crevette ou algue qu'ils consomment en soupe ou frite.
Sans savoir trop comment, je me suis retrouvée assistante pêcheuse de crevette, auprès de ce petit bout de femme tout en muscle qui avec une agilité et une force impressionnante se pliait en deux et soulevait les pierres à la recherche de sa récolte.
Ici aussi, les rencontres avec les enfants
sont gaies, ils 
accourent vers nous en criant "Sabai Dee" mais sont souvent timides devant l'appareil photo. La jolie Elodie a beaucoup de succès, et moi comme d'habitude, je pourrai rester des journées à jouer avec eux,
je revis d'ailleurs un de mes meilleurs souvenirs de Mongolie, quand des petites filles viennent me chercher pour jouer dans l'eau. 
Nous avons suivi la rivière vers le sud, et c'est en partie en bateau que nous avons fait le magnifique trajet entouré de montagnes verdoyantes. Après quelques jours de repos et randonnées dans ces petits villages, nous sommes arrivés à Luang Prabang. Classée au patrimoine mondial, l'ancienne cité royale, construite comme une presque ile entre le Mekong et la rivière Nam Khane ressemble encore beaucoup à ce qu'elle était du temps de l'Indochine, chaque batiment est conservé de manière authentique, que ce soit une traditionnelle maison sur piloti en bambou, un des 32 temples de la ville ou une maison coloniale française. 
Ici, on ressent cette même léthargie que partout dans le pays, cette lenteur et cette douceur de vivre si agréable, renforcée par la vue de ces moines, généralement très jeunes, qui vont et viennent dans la ville, et par ces couchers de soleils magiques sur le Mekong derrière les montagnes embrumées.
Ce petit pays est donc véritablement un paradis, enfin s'il n'était pas si touristique. La ville de Luang Prabang est entièrement dédiée au tourisme, pas un batiment, autre que les temples, qui ne soit un restaurant, un hotel, une boutique d'art ou de souvenir, une agence de voyage.. La plupart des Laotiens ont vendu ou loué longue durée leurs maisons à des occidentaux qui tiennent ces business. A tel point que je cherche où est la "vraie vie" des locaux ici, et en dehors des moines, je ne trouve pas. Les laotiens ne voyagent pas beaucoup donc il y a assez peu de transports en commun, en dehors des liaisons entre deux villes. Pour sortir des sentiers battus, les touristes se regroupent donc dans une agence de voyage et partent visiter les villages en suivant un guide. Nous préfèrons bien sur partir à pied ou en scooter, mais j'ai du expérimenter ce voyage groupé au Vietnam puisque c'est le seul moyen apparement d'aller sur le delta du Mekong. Au moment ou notre guide nous a arrêté devant une maison sur piloti sur le fleuve, et nous détaillait le mode de vie des habitants qui nous faisaient face, je me suis tout de même sentie un peu mal à l'aise. Et je me dis que peut être dans quelques dizaines d'années, quand les Chinois domineront le monde et auront fini de visiter leur pays, ils viendront dans nos campagnes accompagnés d'un guide. Et ils se posteront devant nos jardins, peut être même que l'agence nous aura payés pour revêtir un béret et porter une baguette de pain et nos petits enfants diront trois mots de chinois pour vendre des boissons fraiches...