La vraie générosité est celle du temps bien plus que celle de l'argent.
Une main inconnue qui se tend pour m'aider, gratuitement, sans rien attendre. Cet acte généreux est encore trop rare pour ne pas être noté.
J'en suis à mon troisième jour de bus, j'ai traversé tout le Laos d'ouest en est et suis en train de passer la frontière avec le Vietnam à peu près au milieu du pays. Je dois me rendre à Saigon, tout au sud. Même si j'adore les voyages en bus, je me dis subitement que ce serait surement mieux de rester quelques jours à Saigon plutôt que de passer encore 3 jours dans les transports. Je sais qu'il y a un aéroport à Pleiku, la destination finale de mon bus, et quelqu'un me dit qu'il y a un vol direct en fin d'après midi. Arrivés aux abords de la ville, je demande à mon voisin, qui parle à peine anglais si notre bus passe près de l'aéroport, il est déjà tard, je n'ai pas de temps à perdre. La communication est difficile, je lui mime que je veux prendre l'avion.
Subitement, il va parler au chauffeur, revient et me dit d'attendre. Un peu sceptique, je patiente. Puis le bus s'arrête, il se lève brusquement, me tire par le bras, descend du bus, me fait signe de me depêcher. Le temps que je descende, il a déjà arrêté un taxi, je saute dedans. Je me retourne pour lui dire merci, mais, surprise, il est assis à côté de moi. Il m'accompagne donc à l'aéroport.
L'avion part effectivement dans 30 minutes, ca parait difficile, mais mon nouvel ami m'aide à passer devant tout le monde et discute avec l'hôtesse. Aie, je ne peux pas payer par carte, et je n'ai pas encore de dongs vietnamiens. Qu'importe, on dirait que mon guide en a fait une mission personnelle. Je lui cours après pour reprendre un taxi qui fonce vers le premier distributeur, on retourne vers le centre ville. Je ne m'étonne plus de voir que mon ange gardien est toujours dans la voiture quand on repart vers l'aéroport, et est déjà au guichet en train de réserver le billet quand j'entre dans le hall. Je dois faire vraiment vite maintenant, tout en enregistrant mon bagage je me tourne vers lui pour le remercier... Il est déjà en train de partir, se retourne, me prend en photo, me sourit et disparait.
Et voilà. Il n'attendait rien, même pas un remerciement. Il a consacré une heure à une étrangère inconnue qu'il ne reverra jamais, juste par bonté.
Ce geste m'a beaucoup marqué. J'y repense souvent, et je n'ose pas me demander si j'aurais fait la même chose à sa place.
Alors depuis, je cherche les opportunités de rendre service. Je ne comprends pas grand chose à la politique, je ne sais pas comment supprimer les guerres, mais je sais que le monde peut être meilleur quand on se donne la peine de considérer l'Autre, et qu'on donne un peu. Quand on "se donne la peine", drôle de lapsus, comme si c'était difficile.. Alors qu'en fait... Rendre service, faire plaisir, surtout à un inconnu, non seulement c'est facile, mais en plus ca rend heureux.