Mongolie
" Si la vie est un grand voyage, chaque voyage est une petite vie incluse dans la grande" - L'Eloge du repos.
Je ne peux pas commencer ce récit autrement qu'en remerçiant Tiphaine et Guillaume.
Nous avons passé ensemble 8h de voiture par jour pendant 12 jours, dormi dans la même Ger tous les soirs, voire la même étroite petite tente. Nous avons marché, courru, chevauché (chevaux et chameaux :) ) ensemble, partagé le même litre d'eau pour se laver. Nous avons parlé des heures, nous avons ri, nous avons pleuré (OK surtout moi), nous avons chanté ensemble.. Nous avons vécu ensemble ces deux semaines.
Rien dans ce voyage n'aurait été pareil sans vous. Merci mes amis
La joie de ce séjour vient aussi beaucoup d'Adya, notre chauffeur, qui ne parlait presque pas un mot d'anglais. Mais avec qui nous avons quand même tant échangé, par les gestes, les regards et les sourires.. Il a même essayé d'apprendre l'anglais avec nous, et moi maintenant je connais une comptine mongole. Un homme tellement gentil. Et de Choy, son fils de 18 ans qui nous accompagne pour améliorer son anglais;
Je suis donc arrivée le 31 juillet à 6h à Ulann Baator par le train depuis Irkutzt (2 jours, c'est rien maintenant :) ), et ai passé ma 1ère journée dans la ville en attendant T&G. Le guide dit que c'est "la capitale la plus moche du monde". Et bien, c'est vrai. Je ne peux même pas vous le décrire puisque ca ne ressemble à rien. Au bout de 2 heures je n'en pouvais plus, et je fais halte au Bistrot Francais, par chance je fais connaissance avec le patron et un de ses amis, francais et belge installés ici depuis une quinzaine d'années. Ils me dépeignent un tableau de Ulann Baator terrifiant. Beaucoup de nomades ayant perdu une grande partie de leur troupeau sont venus, en vain, chercher un travail ici. Malgrè l'immense richesse en minerais et en or du pays, il n'y a pas de route, pas d'hopital.. Le taux d'alcoolisme ici est très très elevé et la ville est très dangereuse. Eux mêmes se sont fait agressés plusieurs fois. Bon, il faut donc vite quitter la capitale, parce que de l'autre côté nous attendent par contre des paysages stupéfiants, des hôtes très accueillants, et un peuple extrêmement courageux.
Après un bon diner vin fromage amenés par Tiphaine et Guillaume, c'est atelier de préparation du trajet et plein de courses, et nous voilà partis le lendemain matin.
Au début, la piste est plutôt bonne, et les paysages, exactement comme nous les imaginions. Etendues quasi désertiques de steppe à perte de vue, et régulièrement des troupeaux de vaches, chevaux, chèvres, encadrés par des nomades, souvent à cheval, mais de pl u s en plus à moto..
Au bout de quelques kilomètres, Adya s'arrête devant un "oboo". C'est un tas de pierre, surmonté de tissus bleus, résidence des esprits. Il y en a partout ici. Il faut faire trois fois le tour et jeter une pierre en offrande afin de débuter le séjour sous de favorables auspices. On y trouve aussi régulièrement des béquilles, lorsque les gens ont été guéris, ils viennent les déposer pour remercier les dieux, ou des pneus quand la voiture à été réparée. Aussi pas mal de bouteilles de vodka, mais ca j'ai pas compris pourquoi..
Nous faisons halte le soir chez l'habitant. En général, ce sont soit de vrais nomades, qui changent de campement 2 à 3 fois par an en fonction des saisons, et s'occupent toute la journée de leur bétail, soit parfois, des semi-nomades, qui s'installent en ville en hiver, et retourne dans leur Ger l'été. Voici donc notre premier campement et nos premiers hôtes.
La tradition veut que l'hôte offre à toute personne qui arrive un bol d'airag, c'est du lait de jument fermenté. Cette tradition vient justement des nomades. Lorsqu'ils devaient traverser des kilomètres à cheval (aujourd'hui c'est plus souvent en camion) transportant leur ger pendant les périodes de transhumances, chaque famille devant lesquelles ils passaient se devaient d'aller leur offrir à boire et à manger.
Guillaume en boira des litres pendant le séjour. Pour moi, qui déteste tout ce qui a plus ou moins gout d'animal, c'est un supplice, mais pas possible d'y échapper..Quant aux petits gateaux apétissants à côté, c'est en fait du fromage qui doit bien avoir plusieurs dizaines années d'age...
D'autres surprises m'attendent dans la Ger. Pour commencer, la viande de mouton qui sèche sous mon lit. Puis les dizaines d'enormes araignées au dessus de nos têtes..
Nous continuons le lendemain à descendre vers le sud. Le paysage change peu à peu, la steppe commence à disparaitre, le sol devient plus dur, plus sableux, nous nous dirigeons vers le désert de Gobi. Au beau milieu de la steppe, nous traversons un paysage lunaire. Il y a des millions d'années se trouvait la un ocean, et les falaises que nous découvrons ici sont constituées de la boue du fond de cet océan.
Les paysages restent surprenants, alors que le désert se fait de plus en plus sentir,
nous retrouvons montagnes et verdure dans un parc naturel. Les occasions de se laver étant rares, chaque goutte d'eau permet de faire une petite toilette..
En dehors des paysages et des heures de route, nos journées sont ponctuées par de jolies rencontres. Les gens ici sont très gentils.
Tous les soirs donc nous dormons dans une famille différente. On a beau être toujours au milieu de nulle part, les gens ici sont très occupés et travaillent beaucoup, principalement autour du bétail: s'occuper des bêtes, les traire, les trouver d'abord (les animaux étant en libérté, il n'est pas rare que le troupeau parte pendant la nuit, et qu'il faille 2h le lendemain matin pour les retrouver), et préparer à manger, tout étant autour du lait, de vache, de jument, de brebis, de yak.. Toute la famille participe et on voit souvent les petites filles, à partir de 8, 9 ans s'occuper de leurs petits frêres et soeurs comme de vraies mamans.
Nous occupons nos soirées comme nous pouvons, organisons notre vie à 3 dans la ger. Comme nous avons tous laissé tomber la viande de mouton, c'est pates à l'eau au réchaud tous les soirs.
De temps en temps, c'est atelier coiffure, ou chants et jeux avec les enfants
Et puis il y a parfois des petits plaisirs, qui sont pour nous de grands bonheurs, comme trouver une bière fraiche ou une douche au milieu du désert..
Au bout de plusieurs kilomètres de desert, nous arrivons finalement à la dune du désert de Gobi. Le paysage pour y arriver est incroyable, du sable à perte de vue, à l'horizon l'impression de voir un océan; qui n'est que la chaleur qui émane du désert, et probablement un effet d'optique avec le ciel. Un mirage donc. Nous mettons une bonne heure à l'escalader, tout ça pour la descendre en courrant en 3 minutes :) Et arriver à temps avant la tempête de sable qui arrive..
Le désert du Gobi marque l'extrême sud du parcours, nous remontons donc le lendemain par l'ouest, les paysages redeviennt verts, un peu montagneux
Ce qui est mon meilleur souvenir du voyage se produit le lendemain.
Après très peu d'heures de route, pour une fois, nous nous installons pour l'après midi dans un campement de ger près d'une rivière. J'adore cet endroit, et je ne sais pas pourquoi cette rivière entre les colines noires a pour moi quelque chose de préhistorique.
En plus, nous avons presque une terrasse, en tous cas une vraie table, et même une douche et des toilettes..
Nous allons donc bien sur nous baigner dans la rivière, et alors queTiphaine et moi discutions dans l'eau, arrivent plusieurs petites filles, l'air timide et intriguées. Une fois à un mètre de nous, elles se mettent à nous jeter de l'eau pour nous arroser. Nous avons donc commencé un long match de bataille d'eau, France contre Mongolie, que nous avons tous perdu. Nous avons donc joué un long moment avec ces filles et leurs mamans dans l'eau, avant de participer au tournoi de volley. Et cette magnifique journée se termine par un superbe coucher de soleil :)
Tiphaine, qui a pourtant déjà fait un tour du monde d'un an, me dit que c'est d'après elle, un des pays les plus "roots" qu'elle ait fait. Alors, histoire de compliquer l'histoire, nous passons les 3 derniers jours à cheval, et sous la tente...
Pour commencer, il nous faut trouver les chevaux et les guides au milieu de la vallée.
Après de longues discussions avec le type du coin, et de longues heures pour trouver les chevaux et les guides, nous enfourchons les bêtes et partons..
Pauvres Tiphaine et Guillaume, ils ont l'habitude de m'entendre raler sur les pistes de ski chaque hiver.. il faut que ca recommence avec le cheval :) Je n'arriverai jamais à le faire avancer aussi vite que je le souhaite
et j'ai cru devenir folle.. Heureusement, même 10 mètres derrière tout le monde, les paysages sont magnifiques, nous contournons plusieurs lacs. C'est la ou le "roots" devient un retour à la nature.. N'ayant qu'une mini bouteille d'eau au fond du sac, on boit l'eau du lac dans la boite de mais.. et on essaie de se laver le soir dans l'étang mais on ne voit même pas la couleur de l'eau tellement y'a des betes bizarres qui grouillent.. Etant pour finir infectés de moustiques, on se réfugie pour une soirée intime dans la tente..
Heureusement tous les jours ne se ressemblent pas, et le lendemain nous campons dans un petit paradis en bordure de rivière..
C'est le 3ème jour que je vais vivre mon premier "pétage de plombs" du voyage. (Le 2eme en fait, le 1er ayant eu lieu quand je me suis cognée la tête pour la 12ème fois de la journée dans la porte de ces yourtes construites pour Mongols de 1m12..). Après avoir enfin réussi à faire galoper mon cheval, j'ai enlevé ma veste, ce qui lui a fait peur, il s'est emballé, je suis tombée, rien de grave, mais mal de dos et j'étais sonnée comme après un accident de voiture. Croyant que ca allait, je suis repartie tout de suite, et ai passé les 3 dernières heures du trajet sous une pluie battante, en pleurs! Je ne pouvais meme pas expliquer pourquoi, mais je n'arrivais plus à m'arrêter de pleurer.. Alors que je suis vraiment heureuse depuis le départ, et super contente d'être partie seule, je crois qu'à ce moment là, après 12 jours de paysages sans fin, incitatifs à la contemplation et la méditation, j'avais besoin de faire sortir les émotions. Beaucoup d'entre vous m'ont souhaité de "rire, chanter, pleurer pendant le voyage", bon voilà j'ai fait tout ca :) et finalement ca fait du bien de se sentir vivante..
J'étais quand même plus que ravie d'arriver, à tel point que j'ai sauté dans les bras d'Adya, qui nous attendait à l'arrivée, en l'embrassant sur les deux joues, ce qui était visiblement trop expressif pour un Mongol..
Voilà, la fin du séjour.. Encore une fois des au-revoirs très difficiles, tant avec mes amis de longue date, merci encore d'avoir vécu ça avec moi, qu'avec mon ami de 15 jours avec qui j'ai l'impression d'avoir tant partagé.. Mais c'est vers la Chine que mon prochain train m'emmène, et comme à chaque fois que je remets mon sac sur le dos, j'ai des frissons d'excitation de ce qui est à venir...
Je ne peux que vous souhaiter en conclusion de venir vivre cette expérience bouleversante et riche, cette rencontre avec ces paysages immenses et ce peuple si généreux, armez vous juste de beaucoup de courage, de cartons de nourriture, et de bons compagnons de route :)